Le blog
3 Juin 2008
Petite nouveauté cette semaine. Nous vous parlions la semaine dernière de la nouvelle vocation de Maradona: ACTEUR !! Nous avons vu le film et pour vous en parler cette semaine, nous avons laissé notre place à un professionnel du cinéma... A mi-chemin entre Homme2Sport et Homme2Cinéma, il aurait pu être notre Homme2Coeur... A toi la parole !
Le cinéma permet quelques fois des rencontres. Des rencontres hallucinantes entre deux personnes très différentes, mais fascinées l’une par l’autre. Et c’est le cas de la rencontre dont j’ai eu envie de vous parler cette semaine. Celle de Diego Armando Maradona, le footballeur et du réalisateur Emir Kusturica. Ce dernier a décidé de dresser le portrait du seul dieu vivant pour lui, l’immense et très atypique Maradona.
Une rencontre très spéciale pour le réalisateur de « Te souviens tu » de Dolly Bell, « Papa est en voyage d’affaires », « Arizona Dream », « Underground » ou encore « Chat noir, Chat blanc ».
Emir Kusturica célèbre dans ce film l'incroyable histoire de Diego Maradona : héros sportif, dieu vivant du football, artiste de génie, champion du peuple, idole déchue et modèle pour des générations du monde entier.
De Buenos Aires à Naples - en passant par Cuba - Emir Kusturica retrace la vie de cet homme hors du commun, de ses humbles débuts à sa notoriété mondiale, de la plus spectaculaire ascension au déclin le plus profond.
Un documentaire unique sur une légende vivante, filmé par son plus grand fan.
Pour les fans de foot prêts à vivre avec envie le championnat d’Europe des nations qui s’annonce. « Maradona by Kusturica » ne sera pas une mise en bouche footballistique.
En effet, sur les 1h35 de film, on doit pouvoir compter dix minutes de football et de buts de Maradona.
Kusturica met en scène ce film pour mettre en avant la personnalité du footballeur. Mais il se met également en scène. Il est présent dans quasiment tous les plans, il est acteur de son propre film. C’est le maître de cérémonie qui nous fait vivre sa passion pour un homme.
Kusturica nous propose un film très découpé.
Chacune des parties est reliée par les images des buts de Maradona, des images toujours conclues par une partie de son but magnifique contre l’Angleterre en finale du mondial 86. Et juste après les quelques secondes de ce but nous pouvons découvrir un dessin animé dans lequel Maradona se joue, footballistiquement bien sûr, de Magaret Thatcher, de la reine d’Angleterre, de Tony Blair ou encore de Georges Bush. Car pour Maradona son but et la victoire de l’Argentine contre l’Angleterre en finale, c’est la victoire de David contre Goliath. Oui, il a marqué son deuxième but sur une main, la fameuse main de Dieu, et alors les anglais l’avaient bien mérité.
Autre lien entre les différentes étapes, des petites scénettes sur la religion maradonienne. Car le principe de base du film, c’est que Maradona est le seul dieu vivant sur terre. Kusturica a décidé d’imaginer ce que serait la religion maradonienne. C’est décalé et loufoque à l’image du réalisateur. Il faut marquer un but de la main pour être accepté, et je ne vous parle même pas de la manière de se marier. Les fans du réalisateur seront ravis par ce passage.
Kusturica fait également des parallèles entre sa filmographie et les événements qui ont jalonné la vie de Maradona. L’occasion pour le spectateur de revoir quelques extraits de « Te souviens tu » de Dolly Bell, « Papa est en voyage d’affaires » ou de « Chat Noir Chat Blanc ».
Mais avant tout le réalisateur nous propose un film très construit et ne passera sur aucune facette de la personnalité du footballeur.
Cela commence par son ascension et bien sûr le fait qu’il soit un dieu vivant pour les argentins. Pour eux, ses difficultés et ses frasques ne sont pas un problème. Il vient de la rue et a atteint les sommets. C’est plus qu’un mythe qu’il représente dans son pays et c’est hallucinant pour nous Européens. Comment peut-on imaginer autant d’amour, d’enthousiasme et de vénération pour quelqu’un, tout footballeur soit il ? Non, Zidane n’est pas un modèle, ni un dieu pour nous, c’est simplement quelqu’un qu’on admire.
Maradona, c’est autre chose. Il apporte à un peuple pauvre et sans espoir de la joie et surtout quelqu’un à qui s’identifier.
Il est l’exemple à suivre, mais il est plus que cela. Il est vénéré et sa parole est d’or.
Notamment dans sa parole politique. Durant tout le film, Maradona nous propose un anti-américanisme primaire, sans vrais arguments, et bien sûr, une ode d’amour à son ami, son maître, le grand Fidel Castro. Oui, cela nous met mal à l’aise, mais tant pis. C’est Maradona avec tout son naturel et sans demi mesure, alors on l’excuse.
Mais même s’il est l’idole de Kusturica, Maradona n’est pas épargné par le réalisateur. Il nous montre ses coups de sang, sa manière de jouer les stars et aussi ses réactions surprenantes. Notamment quand à Naples, la ville d’Europe dans laquelle il a réussi ses plus grands exploits footballistiques, il descend voir ses fans, chauffe la foule, qui le vénère comme en Argentine. Sauf qu’il n’a pas autant de respect pour les argentins que pour les napolitains. Alors après avoir chauffé la foule, il décide de partir et engueule les fans qui empêchent sa voiture d’avancer et n’hésite pas à leur faire des doigts d’honneur. Bref, c’est tout Maradona qui est représenté dans cette scène avec toutes ses exagérations.
Kusturica n’hésite pas non plus à aborder le thème de la drogue avec le joueur. Et Maradona se livre quasiment complètement. Il continuera cependant à nier s’être dopé durant la coupe du monde 94, ce qui l’écartera définitivement des terrains.
Mais pour le reste il se raconte. Il explique ce qu’il a vécu, les répercussions que cela a eues sur sa carrière et sur sa famille.
Et c’est sans doute le moment le plus touchant du film, lorsqu’il parle de sa femme qui l’a toujours soutenu, de ses filles qu’il n’a pas vu grandir et qui venaient le réveiller le matin alors qu’il était totalement shooté. On le découvre alors fragile et simple.
C’est tout cela Maradona, un homme plein de contradictions, difficile à cerner, mais que l’on apprend à comprendre grâce à un de ses plus fervents admirateurs.
« Mardonna by Kusturica » est donc un film très intéressant, un portrait très décalé comme le sont ses deux acteurs principaux.
Saluons également la mise en musique du documentaire, par le musicien Emir Kusturica, avec beaucoup de chansons sur Maradona et sur sa main de dieu. A noter à la fin dans une rue, la rencontre entre Maradona et Manu Chao qui chante une chanson sur lui, une rencontre étonnante. Je finirai par une citation de Maradona qui dit à peu près cela : « Tu as vu le footballeur que j’ai été. Imagine celui que j’aurais pu être si je n’avais pas été shooté ». Que l’on aime ou pas l’homme, Maradona est un immense footballeur et finalement il aurait pu être un … dieu du football.
Pendant ce temps là, le documentaire de Kusturica et l’Euro qui approche sont l’occasion pour moi de me pencher sur le traitement du foot au cinéma.
Car si les réalisateurs ont parfaitement réussi à mettre en scène des films sur la boxe, le football américain ou encore le basket, pour le foot c’est plus difficile.
Si l’on exclut des documentaires tel « Zidane un portrait du 21ème siècle », « Maradona un gamin en or » ou encore l’excellent « Substitue » de Vikash Dhorasso qui sort en ce moment en DVD. Difficile de trouver des films de qualité sur le sport le plus universel au monde.
Je ne peux pas ne pas citer le dramatique « Goal » et l’encore plus dramatique « Goal 2 », en attendant le futur encore encore plus dramatique « Goal 3 » qui devrait sortir en fin d’année.
Mais mis à part cela, on peut citer les films français « Delphine 1-Yvan 0 » de Dominique Farrugia, « Didier » d’Alain Chabat et bien sûr la crème de la crème, « 3 Zéros » de Fabien Onteniente qui contenait dans son titre la note sur 20 que le public allait lui attribuer. Chez nos voisins, on trouvera dans la même veine « Shaolin Soccer ».
On pourra citer des films réussis avec la thématique du football mais qui est plutôt en fond tel que l’excellent « Hooligans » de Lexi Alexander.
Alors pour trouver quelques perles sur le foot, il faut se plonger bien loin en 1979, avec le film « Coup de tête » de Jean Jacques Annaud. Un film extraordinaire, magnifiquement interprété par Patrick Dewaere.
Je citerai dans un autre style « A nous la victoire » de John Huston qui date de 1981 avec Michael Caine, Sylvester Stallone, Carole Laure et Pelé. Un film qui n’est pas d’aussi bonne qualité que « Coup de tête » mais un film à découvrir tout de même.
Mais depuis c’est le vide intersidéral, à part les navets que j’ai cités tout à l’heure on peut retirer un film. C’est « Joue la comme Beckham » de Gurinder Chadha de 2002, dans lequel une jeune fille d'origine indienne, vit avec sa famille en Angleterre. Elle ne rêve que de ballon rond. Un jour, elle prend place dans une équipe féminine. Un hymne à la tolérance, à l’acceptation sur fond de foot servi par un superbe casting dont Keira Knightley qui débute sur grand écran et Parminder Nagra. Un film très réussi que je vous conseille.
On dit toujours que le cinéma manque de sujets originaux, mais quand il faut parler d’un sujet universel tel que le foot, c’est très difficile. Tout le monde, ou presque s’y est cassé les dents. Alors quel réalisateur audacieux tentera sa chance et fera enfin un film référence sur l’un des sports les plus populaires au monde ?
La réponse dans … 20 ans peut être.
Article signé par mon Homme2Sport.
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