Le blog
29 Décembre 2011
Rencontrer quelqu’un n’est jamais anodin. C’est une promesse de découverte, de partage, de surprises… Bref, une rencontre, ce n’est pas rien. Et une rencontre, non pas du 3ème type, mais avec le 2ème type, c’est sacrément impressionnant. Surtout quand ce type est certes le deuxième mais pas de n’importe quoi. Être deuxième du plus prestigieux podium, à savoir le podium mondial, ça en jette. C’est donc non sans une certaine appréhension, voire un poids (!) sur l’estomac que je suis partie à la rencontre de notre Homme2Coeur de cette fin d’année : Benjamin Hennequin.
Ce champion d’haltérophilie est l’Homme2Coeur par excellence, à plus d’un titre ! Fort de sa belle médaille aux derniers championnats du monde, ce tout nouveau (tout beau) champion m’a accueillie les bras ouverts (et musclés !) pour une interview à bâtons rompus. Originaire de la région bordelaise, c’est dans son club de Saint-Médard en Jalles que Benjamin Hennequin s’entraîne, depuis toujours. Après un passage à Langres, il est vite revenu au bercail (« parce que la Région Aquitaine aide beaucoup les sportifs ») pour atteindre le niveau qu’on lui connaît actuellement. A savoir : un palmarès à faire pâlir les plus grands champions (et plus d’un se dégonflerait devant des barres de plus de 200kg) avec un titre de vice-champion du monde en 2011, une 8ème place en 2010, une 6ème place aux J.O de 2008. Il compte parmi les meilleurs d’Europe et a la main mise sur les championnats de France depuis 2006. A son actif des records à l’arraché de 170 kg et à l’épaulé-jeté de 208 kg. Oui, rien que d’y penser, ça fait mal partout…
Comment devient-on un champion d’haltérophilie ?
Il aurait pu faire du rugby : « J’étais rapide, je n’avais pas peur de foncer dedans ». Mais issu d’une famille où papa pratique la force athlétique à haut niveau (« je voyais des coupes… ») et où un bon ami de la famille, Patrick Cosnard, est un haltérophile reconnu, c’est logiquement que le petit Benjamin de l’époque se dirige vers ce sport qui est « plus accessible et qui coûte presque rien ». « Les deux premières années, ça ne m’a pas beaucoup plu. J’avais du mal au niveau de la souplesse et de la coordination. Je n’étais pas super bien. Je ne faisais pas partie des meilleurs. J’ai continué pour l’ambiance du club et les copains… » et heureusement !
Une bonne leçon pour les jeunes qui voudraient se lancer dans cette discipline. Au début, « on détecte la souplesse en position d’haltérophilie (le dos bien fixé, les pieds ancrés dans le sol) avec une barre d’initiation de 2 kg. On travaille la technique pendant 2 à 3 ans. Le poids est minime. On n’est pas là pour les casser. Vers 14/15 ans, on met plus de poids, tout en respectant le corps. » La patience est une des clefs de l’haltérophilie. « Plus on soulève de poids jeune, moins on durera… » Benjamin Hennequin en est le meilleur exemple. A 15 ans, il part en sélection cadet pour des compétitions dans d’autres pays. « Ça m’a plu et j’avais des capacités alors je suis monté ». Mais ce n’est que tardivement qu’il aura le déclic : « c’était il y a 6 ans, quand je suis passé senior… Je me suis rendu compte qu’il fallait mettre toutes les chances de mon côté pour être fort. Du coup, j’ai tout fait pour être bien. Depuis 2008, je me suis vraiment pris au sérieux. Et depuis un an, j’ai un entraineur qui me prend en main. Au début, il me faisait faire des trucs bizarres au niveau technique. Je n’ai pas posé de questions. Ça a payé très vite ! En 5 mois, j’ai beaucoup progressé grâce à lui. »
La suite, on la connaît. Cette médaille d’argent aux Mondiaux (à Paris de surcroît) et surtout l’objectif majeur : les J.O de Londres en 2012… « Je vise une médaille… la plus haute. »
Une préparation étudiée…
Mais pour arriver au plus haut niveau, rien n’est laissé au hasard. « Il faut beaucoup de rigueur et avoir un plan établi. L’entraîneur fait une programmation à l’année avec des objectifs. Il y a une grosse période de foncier où il faut travailler la caisse. Après, on fait la pré-compétition et une compétition. Sur 6 mois, c’est 3 mois de foncier, 2 mois de pré-compétition et 1 mois de compétition. Naturellement, en ne buvant que de l’eau, on ne peut pas être performant tout le temps… »
Car Benjamin Hennequin est un sportif propre. Pas question pour lui de toucher à ces substances illicites que l’on retrouve parfois dans le sang de certains sportifs. « La lutte anti-dopage fait des ravages. Pas comme dans les années 80. Aux derniers championnats d’Europe, il y a eu 9 cas de dopage. Malheureusement, pas dans ma catégorie (rires). Il y en a qui jouent encore avec ça. Certains se font avoir par les contrôles inopinés. » Il n’y a pas de secrets. Pour devenir un champion, il faut s’entraîner… « A chaque séance, je me mets au moins 200 kg sur les épaules. C’est frustrant parfois de s’entraîner pendant des mois et d’avoir trois essais à l’épaulé et à l’arraché… » Quand on sait que le mouvement de l’arraché dure en moyenne 2 secondes et celui de l’épaulé-jeté 6 à 8 secondes, on comprend cette frustration. D’ailleurs, qu’est-ce que c’est l’épaulé-jeté ? « On amène la barre aux épaules en une seule fois. Et après, on fait le jeté en une impulsion. Tout part des jambes. Il faut être bien fixé au départ et tout est dans les jambes et le dos… » Petit conseil quand même : ne vous risquez pas à ce genre de mouvement sans être bien encadrés…
… et un mental d’acier !
Car il faut en vouloir pour s’attaquer à ces kilos de fonte. Certains, comme Pierre Fulla (ancien haltérophile reconverti en commentateur télé), disent de lui qu’il est une force de caractère et ça le flatte. « Avant de rentrer sur le plateau, il faut arriver à se relâcher, contrôler sa respiration et penser à la réussite. Avant, il fallait que je me mette en condition, un peu comme les catcheurs. J’étais dans le faux car je me crispais et le geste n’était pas fluide. » C’est donc un homme serein qui parle, rit et partage son amour pour ce sport. Un sport qui l’a forgé. L’haltérophilie, une école de la vie ? « Quand j’étais enfant, j’étais turbulent. L’haltérophilie m’a appris à me lever le matin, faire le travail et avoir des objectifs. » Si la douleur physique est parfois difficile, il n’en reste pas moins que Benjamin aime son sport. « Je ne fais pas ça pour la gloire. Mais si ça peut aider les gamins et donner de l’espoir aux jeunes… »
Vous l’aurez compris, Benjamin Hennequin n’est pas qu’une boule de muscles. Hors des plateaux, « j’ai une vie tranquille ». Pas de chichis, ni de bling-bling. Loin des millions brassés par les Beckham & cie, « j’ai les pieds sur terre ». Pour lui, pas d’interviews à la chaîne. Même après son podium, « il avait déjà la tête aux Jeux ». Les interviews, il les savourera après ces fameux J.O. « Je préfèrerais faire un gros truc aux Jeux et qu’on me demande pendant un an… » Pour l’instant, il ne roule pas sur l’or mais se débrouille pour se faire connaître et bien s’entourer. Le fils de son entraîneur fait partie de cet entourage où tout le monde met la main à la pâte. Entre le blog, la recherche de partenaires et sponsors, toute cette petite équipe travaille à la réussite de ce champion. « Le blog sert à trouver des financements. A la base, c’était pour faire parler d’haltérophilie et faire un travail de communication avec les médias. Et puis, il y a la page facebook, pour les fans. » Avec plus de 800 fans, il aura au moins réussi un pari : celui de faire aimer l’haltérophilie ! Et quand on sait qu’il aime bien Brad Pitt… On craque ? « Je n’ai pas honte de le dire. Brad Pitt, je l’aime (rires). Il peut jouer tous les rôles et il sera bon. J’aime bien Natalie Portman aussi. » Et dans le sport, c’est plutôt Carl Lewis aux J.O de Barcelone, Sergueï Bubka et aussi l’haltérophile turc Suleymanoglu. « C’est le premier haltérophile que j’ai vu. J’avais veillé tard pour le voir à la télé. J’ai cru que j’allais voir 1h d’haltérophilie. En fait, ils n’ont passé qu’un essai. J’étais déçu… » Et à Bordeaux, notre champion suit de loin l’aventure de l’Union Bordeaux Bègles en rugby. « Mon médecin s’occupe aussi de l’UBB donc il me donne des news. Ils sont forts et grands. Je n’irai pas m’y frotter (rires) ! »
Et après l’haltérophilie ?
Celui dont la philosophie de vie est d’être heureux pourrait se préparer un bel avenir. En politique ? Pourrait-il devenir, comme certains grands champions, un futur ministre ? S’il dit avoir ses opinions, la politique n’est pas un domaine qui l’attire. Même s’il a un point commun avec Barack Obama.
Comme lui, il tue les mouches en un clin d’œil. Vous vous souvenez sûrement de l’interview du président américain. Agacé par un insecte volant, il l’a littéralement écrabouillé… Quelques années plus tard, dans la banlieue girondine, c’est le même scénario qui s’est joué… avec Benjamin Hennequin dans le rôle du killer de mouche. Mais, comme gober les mouches n’est pas du tout son truc, Benjamin a d’autres passions dans la vie. Les mangas en font partie. Nostalgique des années Club Dorothée et des animations japonaises telles que Nicky Larson ou les Chevaliers du Zodiaque, il pourrait en parler pendant des heures. « Ce sont les meilleurs. C’était excellent ! » Clin d’œil…
Rayon musique, « j’aime bien Damien Saez. C’est un chanteur engagé. J’aime bien ses chansons. Ce n’est pas super gai, mais j’aime bien. » Et sinon ? L’homme aime le poker et est tatoué. Normal pour le dur à cuire des plateaux. « J’ai un gorille. Mais il est raté. Il est trop rempli. Je suis un peu dégoûté. Je suis allé voir un ami à mon père qui est tatoueur pour le rattraper, mais il m’a dit qu’il ne pouvait rien pour moi. Heureusement, je l’ai fait derrière (NDLR : sur l’épaule, pas sur le derrière…) comme ça, je ne le vois pas. Même si je ne suis pas narcissique, j’aime bien regarder mes abdos, surtout en période sèche. C’est rare quand je suis sec, que j’ai des abdos. Je suis athlétique mais je me trouve vite gras. Bon, ce n’est pas le cas, je sais… » Mais attention, « je n’ai pas le culte du corps comme les bodybuilders. J’ai de grosses cuisses. Si je devais avoir le haut aussi costaud que les cuisses, je serais encore plus costaud mais ça ne m’aiderait pas… »
Voici donc notre Homme2Coeur… Rendez-vous à Londres pour l’encourager et le porter à bout de bras (c’est une façon de parler, bien sûr). En attendant, vous pouvez suivre toute son actualité sur le blog ici ou sur la page Facebook par là. « Ensemble pour la victoire »…
Un grand merci à Benjamin Hennequin pour sa gentillesse et sa disponibilité.